Optimiser une succession grâce au légataire universel et au cantonnement : un levier pour les familles propriétaires

Lorsque l’on possède un bien immobilier, que ce soit une maison familiale ou un appartement secondaire, se pose tôt ou tard la question de sa transmission. Comment préserver au mieux ce patrimoine ? Comment éviter que les frais de succession ne viennent fragiliser l’équilibre familial ou forcer la vente d’un bien ? Il existe une solution juridique souvent méconnue mais redoutablement efficace : l’alliance entre le légataire universel et le cantonnement.

Dans ma pratique quotidienne sur le terrain, je rencontre régulièrement des familles qui doivent gérer la vente d’un bien hérité : maison familiale, appartement secondaire, terrain entre frères et sœurs. Ces situations soulèvent autant de questions sentimentales que patrimoniales. Et souvent, elles révèlent une préparation insuffisante en amont, qui peut coûter très cher au moment de la succession.

Je vous propose d’approfondir un sujet encore trop méconnu, mais d’une efficacité redoutable : l’alliance entre la désignation d’un légataire universel et le mécanisme juridique du cantonnement. Bien utilisé, ce duo peut permettre à une famille de transmettre un bien immobilier de manière souple, équitable, et fiscalement optimisée.

À travers une explication simple et un cas réel, je vous propose de découvrir pourquoi il est pertinent, lorsqu’on détient un patrimoine immobilier, de se pencher sur ces leviers avec son notaire. Cela pourrait faire économiser plusieurs dizaines de milliers d’euros à vos héritiers…

Pourquoi anticiper une succession immobilière est essentiel

L’immobilier est l’un des actifs les plus lourdement taxés en France lors d’une succession. Au-delà des abattements légaux, les droits de mutation peuvent rapidement représenter des montants très élevés, en particulier lorsque la valeur des biens transmis dépasse certains seuils. Il n’est pas rare que des héritiers soient contraints de vendre un bien familial, non par choix, mais pour régler les droits de succession.

Dans ce contexte, utiliser intelligemment des dispositifs comme le légataire universel et le cantonnement devient une stratégie à la fois prudente et efficace. Elle permet de transmettre tout ou partie de son patrimoine dans les meilleures conditions fiscales, tout en respectant les équilibres familiaux.

Qu’est-ce qu’un légataire universel ?

Un légataire universel est une personne désignée par testament pour recevoir l’intégralité du patrimoine du défunt (ou ce qui n’est pas réservé aux héritiers dits « réservataires », comme les enfants ou le conjoint).

Ce choix peut s’appliquer dans toutes les situations : à un enfant, un conjoint, un ami proche, voire à une association. Le légataire universel devient le bénéficiaire principal de la succession et peut ensuite choisir de transmettre une partie de ce qu’il reçoit. C’est là qu’intervient le cantonnement.

Le cantonnement : choisir de ne recevoir qu’une partie de l’héritage

Le cantonnement permet au légataire universel de limiter la part qu’il accepte de recevoir, sans que cela soit considéré comme une donation. Ce mécanisme lui permet de « laisser » certains biens à d’autres héritiers (souvent des enfants ou petits-enfants) sans que cela n’entraîne de taxation supplémentaire.

Exemple : une mère désigne sa fille unique comme légataire universelle. Au décès, la fille choisit de ne recevoir que l’usufruit d’un bien immobilier, tandis que la nue-propriété est transmise aux petits-enfants. Ce partage est neutre fiscalement, car il s’appuie sur le mécanisme du cantonnement.

Pourquoi cette stratégie est particulièrement utile dans le Pays de Gex, en Haute-Savoie et dans la vallée de l'Arve

Dans une région transfrontalière comme le Pays de Gex ou dans des zones rurales et périurbaines comme la Haute-Savoie, les prix de l’immobilier ont fortement augmenté ces dernières années. À Ferney-Voltaire, Divonne-les-Bains, Prévessin-Moëns, Saint-Julien-en-Genevois, ou encore Reignier-Ésery, le prix au m² dépasse fréquemment les 4 500 à 5 500 €.

Cette hausse généralisée valorise fortement les biens transmis dans le cadre de successions, y compris dans des contextes très particuliers :

  • transmission de grandes propriétés agricoles ou rurales (granges, fermes, corps de ferme rénovés) dans des familles exploitantes ou ayant un fort ancrage territorial ;

  • maisons intergénérationnelles, souvent habitées à la fois par des parents, enfants et parfois petits-enfants, et que la famille souhaite conserver.

Dans ce contexte, la mise en place d’un légataire universel avec cantonnement peut s’avérer particulièrement efficace. Elle permet d’adapter finement la transmission aux réalités locales et familiales, en facilitant le maintien du bien dans le cercle familial et en allégeant la fiscalité liée à la succession. Cette stratégie peut ainsi préserver la stabilité financière des héritiers et le patrimoine familial, dans un territoire où la pression immobilière est réelle.

Ces situations concrètes illustrent comment le cantonnement peut être un outil au service de la solidarité familiale, de la transmission du patrimoine et de la préservation de l’identité territoriale.

Exemple concret : une transmission optimisée à deux générations (cas réel)

Prenons le cas d’une grand-mère récemment décédée, qui avait désigné sa fille unique comme légataire universelle par testament notarié. Son patrimoine se composait de deux biens immobiliers :

  • une maison située dans une petite ville, estimée à 500 000 € ;

  • un appartement secondaire en bord de mer, évalué à 210 000 €.

Grâce au mécanisme du cantonnement, la fille – âgée de 68 ans – a choisi de ne recevoir que l’usufruit de ces deux biens. La nue-propriété a été transmise directement à ses deux enfants, âgés respectivement de 35 et 33 ans.

💡 À noter : à 68 ans, selon le barème fiscal officiel (article 669 du Code général des impôts), la valeur de l’usufruit est fixée à 40 %, et celle de la nue-propriété à 60 %. Cela signifie que la valeur fiscale transmise en nue-propriété est égale à 60 % de la valeur des biens.

Calculs détaillés :

  • Valeur totale des biens : 710 000 € (500 000 € + 210 000 €).

  • 60 % de cette valeur (nue-propriété) : 426 000 €.

  • Répartie entre deux enfants : 213 000 € chacun.

  • Après l’abattement légal de 31 865 €, la base imposable est d’environ 181 135 € par enfant.

  • En appliquant le barème fiscal en vigueur, les droits de succession sont estimés à 21 845 € par enfant, soit 43 690 € au total.

Sans cette stratégie : sans le scénario classique, sans recours au cantonnement, l’intégralité du patrimoine aurait été transmise à la fille, puis taxée une seconde fois lors de sa propre succession. Les enfants auraient alors dû s’acquitter de près de 98 389 € de droits de succession.

Conclusion du cas : grâce à l’usage du cantonnement, la charge fiscale a été ramenée à 43 690 €, soit une économie de plus de 54 000 € pour la famille.

Les avantages concrets du cantonnement

  • Réduction des droits de succession : la transmission en nue-propriété permet une base taxable plus faible, les droits étant calculés selon un barème dépendant de l’âge de l’usufruitier.

  • Transmission directe aux petits-enfants : on peut ainsi « sauter » une génération, ce qui permet de mieux répartir le patrimoine et parfois de bénéficier d’abattements spécifiques.

  • Souplesse dans la gestion : le légataire conserve l’usufruit (usage ou loyers), ce qui peut sécuriser sa situation tout en anticipant la transmission.

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